Routes Vikings du Grand Nord : Islande, Groenland

Exploris One n'attend plus que nous en « baie des fumées ». Les navigateurs qui observèrent ces vapeurs autrefois ne pouvaient pas savoir qu'elles provenaient du volcanisme local et les craignaient sans doute. Mieux avertis qu'eux, nous sommes plus séduits qu'inquiets par les beautés que révèleront ces fumées une fois dissipées. Notre état d'esprit serein s'accorde à merveille avec la quiétude de nos cabines et la délicatesse de l'accueil à bord du navire.

Notre exploration des alentours de Reykjavik nous conduit sur les lieux emblématiques de la culture islandaise. Le site volcanique de Thingvellir abrita le premier parlement fondé en Europe (930). De nos jours, c'est près de ce site symbolique que se dresse l'une des résidences du chef de l'État. Belle continuité ! Passé et présent s'associent volontiers sur cette île à l'identité aussi trempée que les lames des épées de ses anciens chefs. Près de la cascade de Gullfoss (les Chutes d'or), l'une des plus belles d'Islande, on se trempe moins l'âme qu'on ne se rafraîchit les idées aux embruns de la chute d'eau ! Sur ces rives, les Islandais choisirent d'abandonner leurs idoles pour le christianisme.

Nous dédions cette journée à l'exploration de la côte sud-est du Groenland dont les 600 km, jusqu'au cap Farewell, sont connus sous le nom de Terre Frederick-VI. L'île côtière de Uttorsiutit nous apparaît typique de cette région particulièrement rude. Si des vestiges inuits ont été repérés à terre, cette vaste zone est totalement inhabitée depuis de nombreuses décennies. L'inhospitalité des rivages ne nous offre que peu d'occasions de débarquement, mais Exploris One nous procure le havre idéal pour profiter de cette belle navigation en terre sauvage. Au-delà d'une ligne côtière parfois dégagée de glace, nos regards suivent la montée en à-pic des murailles rocheuses jusqu'aux glaciers d'altitude, directement enfantés par la calotte polaire.

Pour quitter l'Est du Groenland, Exploris One s'engage dans le Prins Christian Sund. Cette étroite voie d'eau ouvre sur un réseau de canaux menant vers la côte ouest du Groenland sans contourner le cap Farewell mais en coupant par une route intérieure. Dans ces eaux abritées, nous avons de belles chances d'apercevoir des cétacés venus respirer à la surface, et pourquoi pas ? une baleine bleue. La tentation est grande de faire « tomber les zodiacs » pour une balade au pied des glaciers qui nous environnent. C'est en zodiac également que nous gagnons Aappilattoq, communauté de 150 personnes, très retirée mais qui sait parfaitement accueillir chaleureusement ses visiteurs.

Nous sommes prêts pour une vraie immersion dans le monde viking. Nos historiens nous ont alléchés avec l'épopée de ces émigrés islandais venus chercher une terre plus verte à l'ouest. Une fois débarqués, nous sommes impressionnés par les ruines de l'église de Hvalsey. Nous sommes attendris en apprenant qu'un mariage, célébré ici en 1408, est le dernier évènement documenté à propos de ces Vikings groenlandais. Que leur arriva-t-il après ? Nous n'en savons toujours rien, sinon qu'ils n'étaient plus là quand les Danois sont arrivés en 1728. Ces trois siècles d'incertitude donnent à notre promenade en ces lieux paisibles une piquante aura de mystère.

Nuuk, capitale de la groënland, est située à l'embouchure du Godthåbsfjorden, sur la côte ouest du Groenland, à environ 240 km au sud du Cercle polaire arctique.Le site de Nuuk fut habité par les Vikings dès le Xe siècle et par les populations inuit depuis le XIIIe siècle. La ville fut fondée en 1728 par le missionnaire norvégien Hans Egede sous le nom de Godthåb, alors que le Groenland était une colonie norvégienne. Elle fut la première ville de l'île, au sens européen du terme.

Éternité est le nom de ce site, en français comme en danois. Mais c'est une navigation remarquable, chaque petite vallée offrant une vue sur un glacier. À son terme, le glacier principal est percé de profondes cavernes bleutées. Notre équipe d'expédition propose que nous débarquions sur une plage latérale pour monter, à travers des parterres d'épilobes mauves, vers une moraine d'où le point de vue est fantastique. Une approche du glacier en zodiac se révèle une inoubliable expérience. Les icebergs de détachant du front de glace soulèvent des gerbes d'écume… et des volées d'oiseaux venus chercher là leur pitance.

Nous partons aujourd'hui à la rencontre du Sermeq Kajjaleq, une des langues glaciaires de la calotte polaire du Groenland. Ce glacier se déverse dans le fjord d'Ilulissat puis dans l'océan en y apportant 35 km3 d'eau douce par an ! Une sacrée rasade ! Nous embarquons sur des bateaux qui mériteraient le nom de mouches tant ils paraissent risibles face aux mastodontes de glace qu'ils frôlent. Nous pouvons aussi accéder au fjord en randonnant le long d'une belle et fraiche toundra. Du lieu-dit Sermermiut, debout sur une moraine, nous surplombons un paysage chaotique sans cesse en mouvement. C'est comme assister à une procession de géants malcontents qui se bousculent, grognent, crissent et grincent pour être le premier à passer.